Chapitre QUATORZE : A pointe nue

Publié le par Gaspard

Ce qui pouvait poser problème dans une quête comme celle que j’entreprenais, c’était l’angle d’attaque. Jack et Louis attendaient que je leur fournisse les détails que pour l’instant je ne possédais pas. C’est là que je commis ma première erreur. Cela doit être écrit quelque part dans un manuel de guerre : ne jamais laisser à ses alliés le temps de réfléchir.

Car tandis que je potautournais, Jack et Louis laissaient aller leurs méninges. Sans doute virent-ils qu’ils avaient plus à y perdre qu’à y gagner, car Jack m’interpella en ces termes :

 

 

 

 

 

 

- Gaspard, si tu bats Rochefort, nous ne pourrons plus jamais sortir d’ici.

- C’est possible en effet.

- Alors quitte à choisir, Louis et moi, on préfère rester à ses ordres.

- Si je ne l’affronte pas, on ne retrouvera jamais Suzie.

 

 

 

 

 

 

Il y eut un moment de silence pendant lequel je repassais mon plan d’attaque comme une chemise de flanelle.

 

 

 

 

 

 

- Vous vous souvenez de ma belle cavalière lors du bal des nazes ? demandai-je fiérot.

- Pas vraiment, non.

- On ne voyait que les sœurs Kart.

- Sauf que la mienne est visible 365 jours par an et un jour de plus les années bissextiles.

- Ah bon ? Et on la connaît ?

- Je croyais que vous connaissiez tout le monde ici !

- C’est possible. Elle est belle ?

- Oui.

- Jeune ?

- Forcément.

- Brune ?

- Evidemment.

- De fines jambes ?

- Certainement.

- Alors je ne vois pas.

- Tu ne vois pas ? Et toi Louis ?

- Pas plus.

- Suzie la connaissait !

- Il faudrait que tu lui demandes.

- Mais c’est cette fille qui doit m’aider à retrouver Suzie !

- Ah, effectivement, là tu as un problème.

- Et en quoi elle peut t’aider ?

- Je l’ai rencontrée à l’extérieur elle aussi. Et comme Rochefort, elle a un lien avec ce livre dont je vous ai parlé.

- C’est compliqué ton histoire.

- Parce que vous avez pris le train en marche mais en suivant depuis le premier épisode, c’est facile à saisir.

 

 

 

 

 

 

Ils ne parurent pas très convaincus par mon explication.

 

 

 

 

 

 

- Bon, dis-je d’une voix forte pour les récupérer avant qu’ils ne me lâchent, voilà comment l’on va procéder : Louis tu préviens tout le monde et vous fouillez toute la rue, maison par maison, chambre par chambre, caniveau par caniveau. Toi, Jack, tu récupères les plaques de verre et tu les mets en lieu sûr. Moi, je vais chercher Marie.

- Ok, on fera comme tu veux.

- On se donne rendez-vous dans deux heures à la Perruche verte.

 

 

 

 

 

 

Et on se sépara.

J’errai pendant quelques instants dans la rue puis, contre toute attente, je finis par découvrir une faille dans mon plan génial : par où devais-je commencer ? Je ne connaissais ni l’adresse de Marie ni son vrai prénom. La chance viendrait-elle à mon secours ? Je n’osai l’espérer. Suzie m’a dit un jour que lorsque l’on cherche quelque chose dans la rue des pendus, on finit toujours par y arriver. Tout est une question de volonté. Alors j’ai pensé, fortement, profondément, infiniment et je me suis avancé au milieu des pavés comme l’on se laisse traîner par la foule.

 Point de Marie dans sur les pavés, ni assis au bord des fontaines, ni aux terrasses des cafés. Pas de Marie non plus au fond des impasses et sous les passages secrets.

 

 

 

 

 

 

Je retournai à La Perruche verte où je retrouvai Acajou, l’armoire normande, le pilier, le lampadaire et Jack & Louis, enfin.

 

 

 

 

 

 

- Alors ? Quelles nouvelles ?

- Chou blanc.

- Pareil pour moi.

 

 

 

 

 

 

Je lançai un coup d’œil rapide à Jack qui me fit un signe de la tête. Au moins les plaques du praxinoscope étaient en sécurité.

 

 

 

 

 

 

- On était en train de parler de toi, Gaspard, dit Louis. De ton duel…

- Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? demanda Acajou avec sa vivacité habituelle. Je n’ai rien compris.

- C’est une théorie. La ville est divisée en neuf cercles concentriques, chacun de ces cercles représente un adversaire potentiel. Et pour achever ma quête, je dois affronter chacun de ces adversaires.

- Et c’est quoi ta quête ?

- Je ne sais pas trop.

- Mouais. Tu devais être sacrément secoué lorsque t’as pondu ça, si tu veux mon avis.

- Ce n’est qu’une théorie.

- Et en quoi ça peut nous être utile pour la suite des événements ?

- Gaspard pense que Rochefort est son premier adversaire.

- Ca nous fait une occasion d’enfer de nous en débarrasser.

- C’est si important que ça ? demanda l’armoire normande.

- Ca l’est, répondit Louis.

- Et pour le ravitaillement, on fera comment ?

- J’avais bien une idée, avouai-je, mais ça n’a rien donné.

- Rochefort est mort de trouille lorsqu’il aperçoit Gaspard, peut-être qu’il pourrait le forcer à nous aider.

- Ou du moins à nous révéler son secret. Comment fait-il pour aller et venir dans la rue des pendus ?

- Il a un truc, c’est sûr.

- Il n’y a qu’une façon de le savoir : Gaspard, il faut que tu l’affrontes !

 

 

 

 

 

 

Il n’y a rien de pire qu’une idée lorsque c’est la seule que l’on ait. Affronter Rochefort conduirait peut-être la rue des pendus à la ruine mais les réserves de Jack et Louis étaient suffisamment importantes pour nous permettre de tenir un bon moment. Nous n’avions plus le choix.

 

 

 

 

 

 

- Ton duel, c’est à quelle arme ?

- Je ne sais pas, avouai-je après un long moment de réflexion.

- Au pistolet, au sabre, aux poings ?

- Au pistolet, c’est plus classe.

- Aux poings,c‘est plus viril.

- Au sabre, c’est plus noble.

- T’as déjà tiré au pistolet ?

- Une fois à la foire à neuneu.

- Ca ne suffira pas. Les poings ?

- N’est-ce pas un peu douloureux ?

- Ouille. Reste l’épée.

- Je me suis formé à l’école du capitaine Alatriste.

- Tu ne pouvais pas le dire plus tôt !

- J’ignorais que cela était suffisant…

- Pas suffisant ! Mais tu as toutes les compétences requises ! Les meilleurs de toutes !

 

 

 

 

 

 

Et tout le monde de m’embrasser, de me féliciter, de me louer.

 

 

 

 

 

 

- Parfait, Gaspard, où est ton épée ?

- Je n’en ai pas.

 

 

 

 

 

 

Et tout le monde d’être assez déçu.

 

 

 

 

 

 

- Comment veux-tu te battre si tu n’as pas d’épée ?

- Il y a une minute encore, j’ignorais qu’il m’en fallait une.

- C’est une catastrophe.

- Je connais bien une boutique mais elle est à l’extérieur.

- Autant dire qu’elle n’existe pas.

- Il n’a qu’à aller en face, suggéra quelqu’un.

 

 

 

 

 

 

Et tout le monde de lui reprocher cette initiative douteuse.

 

 

 

 

 

 

- En face ? C’est-à-dire ?

- Rien, Gaspard. C’est une mauvaise idée.

- Pourquoi ? dis-je en jetant un œil à travers la vitre aux quatre carreaux sales.

- Parce qu’il ne vend pas d’épée.

- Alors pourquoi l’a-t-il suggéré ?

- Disons qu’il ne vend pas d’épée pour un duel à mort. Surtout contre Rochefort.

- Que vend-il alors ?

- Des babioles.

- Du bric-à-brac.

- Des gadgets.

- De la pacotille.

- Des vieilleries.

- Mouais, mouais, mouais, fis-je la main sur le menton pour montrer que je réfléchissais, et à part lui, personne ne peut me fournir d’épée dans la rue des pendus ?

- Personne, hélas.

- Alors je vais aller jeter un coup d’œil.

 

 

 

 

 

 

Et de ce pas, je sortis de La Perruche verte et traversai la rue. La boutique ornée d’un pathétique « Caverne d’Ali-Baba » semblait avoir été dessinée par un homme ivre. La façade n’était pas droite, les fenêtres pas alignées et la porte de guingois. Ils n’avaient pas menti. Rien ici n’avait vu la lumière du jour depuis au moins un siècle et demi, deux siècles. Je me rappelai pourtant la phrase de Suzie sur la volonté et les trésors de la rue des pendus et m’avançai d’un pas bien décidé dans la boutique, avec à l’esprit l’image d’un costume de mousquetaire flamboyant et d’une rapière plus aiguisée que la lame d’un rasoir.

Deux minutes plus tard, sans avoir eu le plaisir de répondre à un « je-peux-vous-aider » qui ne vint jamais, je trouvai le pire de mes cauchemars.

Un costume blanc d’escrimeur rapiécé par de la feutrine écossaise pendait négligemment dans un coin de la brocante, entre une armoire sans porte et le tableau d’un chien de chasse intact. Le masque moite comme les murs de la Perruche verte pesait trois fois son poids. Quant à la rapière, ce n’était qu’un vague fleuret d’entraînement, moucheté jusqu’à la moelle.

 

 

 

 

 

 

- Monsieur est connaisseur, fit une voix nasillarde dans mon dos.

- Absolument pas, répondis-je à une grosse barrique emmitouflée dans un pull tricoté par une main douteuse.

- Je pourrais vous conter l’histoire de ce costume pendant des heures.

- Ne le faites pas. Cela m’est égal.

- Désirez-vous l’acheter ? Je peux vous faire un prix.

- J’espère bien. Vous n’avez rien d’autre ? Je veux dire : je cherche une épée. N’avez-vous rien d’autre ?

- Hélas, non. J’attends un arrivage d’un club d’escrime qui a fermé suite à un important dégât des eaux. Mais ce n’est pas avant la prochaine éclaircie.

- Il y a un club d’escrime, ici, dans la rue des pendus ?

- Non, à l’extérieur.

 

 

 

 

 

 

Nerveux, conscient d’en avoir trop dit, le broc tira un paquet de clope de sa poche arrière et s’en grilla une aussi sec.

 

 

 

 

 

 

- Votre fournisseur n’est-il pas un homme élégant, arborant une fine moustache brune ?

- Peut-être.

- Alors, ne vous inquiétez pas, je suis moi aussi dans la confidence. Quand doit-il vous livrer ?

- Une semaine. Peut-être deux.

- Je ne peux pas attendre aussi longtemps. Tant pis, je prends celui-là.

- Le costume entier ?

- Certainement pas ! Le fleuret sera déjà suffisamment lourd.

 

 

 

 

 

 

Lorsque je revins à La Perruche verte, les regards curieux qui m’avaient accompagné se figèrent en moues désespérées.

 

 

 

 

 

 

- Il n’y avait rien d’autre, lançai-je comme une bouée d’explication.

- Nous sommes perdus.

- Peut-être pas. Si je n’ai pas pu trouver d’épée valable, Rochefort n’en trouvera pas non plus.

- Hélas, non, Gaspard. Il en possède une. Une vraie, dissimulée dans sa canne. Nous l’avons vu souvent l’utiliser et il ne la remettait jamais au fourreau sans qu’elle se soit baignée.

- Même s’il n’est pas de première fraîcheur, cela reste quand même une arme.

- D’entraînement.

- D’entraînement, certes. Mais je peux quand même le blesser. Il me suffit d’enlever la mouche.

 

 

 

 

 

 

Et de lier l’acte à la parole.

 

 

 

 

 

 

- Doucement, Gaspard, tu vas t’entailler le doigt.

 

 

 

 

 

 

Effectivement.

 

 

 

 

 

 

- Je vous le dis, persifla Acajou, nous sommes très mal barrés.

 

 

 

 

 

 

Et tout le monde d’être d’accord

 

 

 

 

 

 

- Ne m’enterrez pas trop vite. Je viens de mettre ma lame à nu.

 

 

 

 

 

 

Je montrai mon fleuret libéré de ses chaînes, une goutte de mon sang perlant sur sa pointe.

 

 

 

 

 

 

- Jack, Louis, il est l’heure. Allez chercher Rochefort.

- Tu ne crois pas que tu devrais t’entraîner un peu ?

- Inutile. Je me rappelle parfaitement de tout. De la bataille devant le couvent comme de l’assaut du galion.

- Qu’est-ce qu’on lui dit ?

- Qu’il vienne me retrouver… Où est-ce que le combat peut avoir lieu ?

- Il y a une cour intérieure, suggéra l’armoire normande.

- Parfait. Allez dire à Rochefort de me retrouver ici, au coucher du soleil.

 

 

 

 

 

 

Et je sortis pour m’aérer la tête. Rochefort allait-il répondre à ma provocation ? Peut-être que sa colère surmontera sa peur. Mais le moment n’était pas venu pour penser à ça. Je n’avais que Marie en tête. Si Suzie ne m’avait pas dit qu’elle m’avait vu danser avec elle au bal, j’aurais l’impression de l’avoir rêvée. Et si elle apparaissait à l’instant devant moi, au détour d’une ruelle, je n’y croirais sans doute plus. J’ai tellement de questions à lui poser que je suis sûr de rester de bouche bée.

Comme j’espérais en sa venue, la phrase de Suzie me revint pour la troisième fois. Mais la magie de la rue des pendus n’opéra pas. Peut-être fallait-il y voir un bien mauvais présage.

 

 

 

 

 

 

Lorsque je revins à La Perruche verte, les derniers rayons de soleil n’allaient pas tarder à s’éclipser. Toute la compagnie était là, l’armoire normande avait bien voulu ouvrir une bouteille, mais une de la réserve, car il lui coûtait de passer derrière le bar en l’absence de Suzie. Jack et Louis dans un coin fumaient religieusement un cigare.

 

 

 

 

 

 

- Alors ?

- Il est prévenu. Il viendra.

 

 

 

 

 

 

Je me dirigeai vers la cour intérieure qui apparaissait clairement derrière une porte que je n’avais jamais remarqué. L’endroit était idéal pour un duel. Acajou me proposa un verre de vin.

Je doutai. J’avoue sans embarras que je ne sus pas alors si je devais le boire ou pas. Est-ce que le boire me donnerait du courage ou m’endolorirait les membres ?

 

 

 

 

 

 

- Eh bien ?

- Je ne sais pas. Qu’en pensez-vous ?

- Cela ne peut pas te faire de mal !

- Alors j’accepte.

 

 

 

 

 

 

J’avais à peine porté le verre à mes lèvres que l’armoire normande assise en face de moi releva la tête et colora ses yeux d’une touche d’effroi.

Comme on l’aura compris, l’homme à la moustache brune, la canne à la main, venait de passer la porte. Sa chemise était débraillée, ses cheveux en bataille et son regard était celui d’un fou.

 

 

 

 

 

 

- Je vous ai connu plus en forme, aurai-je sans doute dit si j’avais été plus en verve.

 

 

 

 

 

 

Rochefort s’avança, passa à un mètre de moi, lança un regard à Jack qui lui indiqua du doigt la cour intérieure.

Je ne pouvais plus me dérober. Je laissai mon verre à moitié vide sur la table et le suivis. Rochefort sortit son épée de sa canne et fendit l’air plusieurs fois. Ses gestes étaient peu assurés et je remarquai qu’il avait du mal à se tenir bien droit. Sans doute avait-il bu pour se donner du courage. Et le désespoir l’avait emporté sur la volonté. J’avais donc une chance.

 

 

 

 

 

 

- Messieurs, exposez vos griefs ! ordonna Louis d’une voix claire qui ne lui ressemblait pas.

- Vous m’avez volé quelque chose qui m’appartient, répondit Rochefort d’une voix faible et hésitante.

- Vous avez enlevé Suzie, déclarai-je. Il faut nous la restituer.

- Je n’ai enlevé personne et certainement pas cette grosse vache.

 

 

 

 

 

 

L’insulte était sans doute justifiée. Mais Rochefort était sur le fief de l’insultée en présence de ses amis et il aurait dû s’abstenir.

 

 

 

 

 

 

- Vous aggravez votre cas !

- Comment le pourrais-je ? C’est vous qui avez voulu ce duel stupide. Eh bien, je suis là, qu’attendez-vous ?

- Quand vous voulez ! dis-je en me mettant en garde.

- Un instant ! interrompit Louis. Les doléances n’ont pas été faites. Gaspard ?

 

 

 

 

 

 

Pris dans la fougue de l’affrontement, je ne saisis pas immédiatement à quoi il faisait allusion.

 

 

 

 

 

 

- Certes, dis-je une fois que cela me revint. Si je gagne ce duel, vous devrez nous révéler votre secret !

- Quel secret ?

- Vous le savez bien. Vos allées et venues dans la rue des pendus. Ainsi que l’objet…

 

 

 

 

 

 

A ce mot, je vis mon ennemi trembler.

 

 

 

 

 

 

- Mon secret ? Il vaudrait mieux pour moi que je souffre mille morts plutôt de le révéler. Quant à l’objet, vous n’avez pas encore perçu toute l’étendue de son pouvoir. Je pensais qu’elle vous avait mis au courant mais je me trompais. Je ne risque donc absolument rien.

 

 

 

 

 

 

Et après toutes ces incompréhensions, Rochefort se rua sur moi comme un dément, la pointe de son épée prête à me transpercer la gorge. Je les accueillis par un réflexe de recul. Je subis alors une douzaine d’assaut que je parai comme je pus. Un long mouvement circulaire de mon fleuret contraignit mon ennemi à reculer et le combat fit une pause.

Toute la compagnie se trouvait dans la cour intérieure, alignée devant le mur et craignant pour ma vie.

Je ne pouvais pas continuer ainsi. Ses assauts même s’ils n’étaient pas dangereux étaient vifs et soutenus. L’un d’eux finirait forcément par atteindre son but.

La face de Rochefort était rouge, son front inondé de sueur. L’alcool qu’il avait ingurgité le fatiguait plus que de raison. Il fallait que j’en profite.

Je me jetai sur lui, la pointe en avant. Il fut surpris et n’eut pas le temps d’organiser une parade efficace. Mon fleuret lui emporta un bout de chemise et le blanc devint rouge.

 

 

 

 

 

 

- Juste une égratignure, continuons.

 

 

 

 

 

 

Il avait du en faire des combats à l’épée pour acquérir une telle assurance. Aujourd’hui pourtant, il s’était saoulé pour se donner du courage. Qu’est-ce qui chez moi l’effrayait tant ?

 

 

 

 

 

 

Nous échangeâmes quelques passes de courtoisie et dans l’opération, je ne vis pas une attaque qui me blessa légèrement à l’épaule. Idiotement, je lâchai un cri qui fit sourire mon adversaire.

 

 

 

 

 

 

- J’ignore quelle folie est passée par votre tête mais c’est une folie qui va vous coûter la vie.

 

 

 

 

 

 

Il accompagna ces mots par une suite effrénée de d’attaques, de feintes et de quartes. Deux assauts sur cinq me perçaient le ventre ou les bras et me vidaient peu à peu de mon sang.

Ma vue se troubla et je sentis ma vie s’échapper peu à peu de moi. Rochefort ponctuait maintenant chacun de ses touches par un petit rire et je dois avouer que, sur l’heure, ce qui me terrifiait le plus était la perspective de devoir mourir en l’emportant comme seul souvenir.

 

 

 

 

 

 

- Ta fin est proche. A présent, je n’aurais plus rien à craindre. Bientôt, elle m’appartiendra.

 

 

 

 

 

 

L’occasion était trop belle de finir sur une belle parole, même si elle n’était pas de moi. Si je devais mourir, au moins, devais-je le faire en me battant pour une belle femme, comme le voulait la tradition. A bras-le-corps, je m’élançai vers lui, fouettai l’air coupable de me vider mes forces et fermai les yeux, prêt à attendre la mort. Cinq fois, six fois, mon épée frôla des ombres, mais au septième coup je sentis qu’elle touchait quelque chose et, rassuré, je m’évanouis.

 

 

 

 

 

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

La lueur d’une lampe que je ne connaissais pas accueillit ma résurrection. Jack et Louis étaient à mes côtés.

 

 

 

 

 

 

- Tu t’es bien battu, gamin.

- Pardonnez la banalité de cette question, mais où suis-je ?

- A la Perruche verte, dans la chambre de Suzie.

- Où est-elle ?

- Mystère.

- Et Rochefort ?

- Enfui.

- Que s’est-il passé ?

- Tu as gagné, petit. Ton dernier coup lui a fait une entaille dont il se souviendra.

 

 

 

 

 

 

Ils me racontèrent alors mon assaut désespéré, la lutte de Rochefort pour esquiver tous mes coups sauf le dernier. Notre chute commune et l’arrivée de la compagnie à mes côtés. Il ne tarda pas à se relever mais son état ne lui permit pas de m’achever, alors, en titubant, il s’en alla, me réclamant une revanche qui me serait fatale.

 

 

 

 

 

 

- Et le praxinoscope ? Et Suzie ? Et son secret ?

- Du calme, tu as perdu beaucoup de sang. Le docteur a dit que tu devais te reposer.

- Alors, ça n’a servi à rien.

- Les choses n’ont pas avancées, c’est vrai. Ta théorie était sans doute fausse.

- On tient quand même à te remercier, Gaspard. Nous avons retrouvé notre liberté.

- Peut-être, mais j’ai condamné la rue.

 

 

 

 

 

 

Ni Jack ni Louis n’eut l’envie de me contredire.

 

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Publié dans La Rue des pendus

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A
Bonjour Gaspard :) <br /> C'est vrai que l'Ours, on peut le trouver à la fin d'un journal, mais je pense que tu pourrais le mettre au début, tout en haut de colonne.<br /> De plus, rajouter dans ton pied de page en complément de "Prochain épisode..." (d'ailleurs excellente idée de l'avoir mis là, juste à la bonne place), une phrase du genre "pour ne pas louper le prochain épisode...., pensez à vous abonner, c'est gratuit, ça se passe dans le module...'
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